Second tour, fable politique d’Albert Dupontel avec Cécile De France en journaliste d’enquête obstinée, sort en salle au Québec ce vendredi.
Quel est votre film de chevet?
Cécile De France : Made In Britain, d’Alan Clark, avec Tim Roth. Parce que c’est Tim Roth. Mais aussi parce que j’adore le cinéma trash d’Alan Clark.
Albert Dupontel : Les lumières de la ville, de Chaplin. Un classique. Je l’ai montré à ma petite-fille qui a trois ans et ça a fonctionné. C’est rigolo quand même!
Quel film, ou quelle personnalité, a déclenché votre envie de faire du cinéma?
Cécile De France : Tilda Swinton, dans Orlando. Elle peut tout faire et elle crée elle-même à chaque fois un univers à elle toute seule. C’est plus qu’une actrice, pour moi.
Albert Dupontel : Brazil, que j’ai vu à sa sortie et qui m’a beaucoup impressionné. Ce film renferme tous mes rêves et tous mes cauchemars
Quel film vous a le mieux préparé à faire celui-ci?
Cécile De France : The West Wing. Albert m’a demandé de regarder cette série et plus particulièrement Allison Janney, qui joue CJ. Qui m’a servi de modèle. Emma Thompson aussi, et puis Halldora Geirhardsdottir, qui joue dans Woman at War.
Albert Dupontel : Un documentaire sur Robert Kennedy, que j’ai trouvé très émouvant. À un moment donné il prononce un discours dans un ghetto black et annonce la mort de Martin Luther King. Il trouve des mots d’une sincérité, d’une intelligence, d’une émotion. C’est forcément improvisé puisque lui aussi vient de l’apprendre, et il parvient même à se faire applaudir à la fin de son discours. Il n’y a pas eu d'émeutes ce soir-là, sauf à Indianapolis. Ce qui prouve que la parole politique, lorsqu’elle est sincère, intelligente et convaincante, a un vrai effet. Les gens de ma génération n’ont pas connu ça. Les jeunes, encore moins.
À quel film est-ce qu’on vous identifie le plus souvent?
Cécile De France : L’auberge espagnole. Parce que c’est ça qui a tout démarré, et merci Cédric [Klapisch]. Isabelle est un personnage que j’adore, je l’ai joué quatre fois jusqu’ici, et j’aime l’accompagner dans sa maturité.
Albert Dupontel : Il y en a plusieurs. Adieu les cons, Au revoir là-haut… Bernie parfois. Les vieux surtout (rire).
Si vous aviez un film à refaire, ça serait lequel?
Albert Dupontel : Moi, tous (rire). Je ne connais pas beaucoup de metteurs en scène qui sont contents quand ils revoient leurs films. J’aimerais bien pouvoir repasser derrière.
Cécile De France : J’ai kiffé en faisant Second tour, je vous assure que c’est vrai. En général, à la fin d’un tournage, on est plutôt fatigués, mais là je ne sais pas, j’étais tellement galvanisée que j'étais déçue que ça soit déjà fini. Et pourtant, ça faisait des mois qu’on travaillait dessus, on avait même répété deux mois avant le tournage. J’étais heureuse, tout simplement.
Combien souhaitez-vous qu’il y ait de films dans votre filmographie définitive?
Cécile De France : Ce n'est pas le nombre qui compte.
Albert Dupontel : Peu, mais qu’ils soient bien.
Quelle élection ou épisode politique incarne le mieux pour vous l’enjeu de Second tour?
Albert Dupontel : Ça va du masque de fer et Louis XIV à Bobby Kennedy. En France, on a connu deux personnages très forts, politiquement. Des vrais héros de la politique : Clémenceau et De Gaulle. Des gens convaincus, sincères. Ils n’ont pas fait que des choses bien. Ils ont aussi fait des conneries. Mais on pouvait être sûrs de leur sincérité. Ce n’étaient pas des arrivistes, ils ne convoitaient pas le pouvoir pour le pouvoir. Quand ils l’ont eu, ils se sont montrés extrêmement patriotes et sincères.
Cécile De France : Je ne sais pas quoi répondre.
Lorsque vous doutez, quel film vous réconcilie avec l’idée de faire ce métier?
Albert Dupontel : Il y en a plein. Je me souviens que j'étais en plein doute et j’avais du mal à faire mon troisième film. Et puis j'ai vu Soy Cuba, de Mikhail Kalatozov. Je me suis dit : putain, qu’est-ce que c’est bien! Ce film est resté longtemps sous l’éteignoir parce que Castro ne voulait pas le voir. C’est fait de plans séquences de 14 minutes. Un film de propagande, à la gloire de la Révolution, commandé par Castro à Kalatozov qui avait fait Quand passent les cigognes. C’est un film de propagande alors l’histoire, y en a pas, mais il y a des mouvements de caméra qui sont d’une volupté, d’une sensualité, que j’ai trouvé extraordinaire. Ça fait du bien après ça de prendre une caméra et de se remettre en marche.
Cécile De France : Le miroir de Tarkovski, pour cette quête de la beauté, qui est vraiment unique, et unique au cinéma.
Albert Dupontel : Il faudra que tu m’expliques les motivations du personnage. Je n’ai vraiment rien compris à ce film.
Cécile De France : Moi non plus, mais justement, il n’y a pas besoin de réfléchir.
De quel film souhaiteriez-vous qu’on se rappelle de vous en premier?
Cécile De France : Il n'est pas encore fait.
Albert Dupontel : Même réponse.
Si vous aviez le pouvoir de convoquer une personne pour faire un film avec lui ou elle, qui ça serait?
Albert Dupontel : Michel Simon. J’adorais ce mec-là. Super acteur. Regardez la différence dans La beauté du diable entre Gérard Philipe et Michel Simon. Il y en a un qui ne passe plus du tout et c’est Gérard Philipe. Tandis que la modernité, la liberté de jeu de Michel Simon, sont fascinantes. Il n’avait aucune inhibition intérieure. Regardez Boudu sauvé des eaux, regardez La chienne, regardez Panique. Dans le jeu, l’émotion est là, il n’y a pas de frein, il n'est pas esclave d’une mode ou de son époque. Les émotions sont très justes et c’est pourquoi ça survit au temps. Il paraît qu’il était ingérable sur un plateau, mais j’aurais quand même aimé tenter ma chance avec lui.
Cécile De France : Lino Ventura. Il est relié à mon enfance, c’est quelque chose de doux. Quand je le voyais à l’écran, chez ma grand-mère, j’étais bien. Il est comme une madeleine de Proust pour moi.