Les rayons gamma - Entrevue avec Henry Bernadet

8 novembre 2023
entrevue

Présenté au FCIAT le mois dernier, et projeté à Cinemania tout juste avant sa sortie en salle ce vendredi, Les rayons gamma, à la frontière du documentaire et de la fiction, suit, le temps d’un été, un groupe d'adolescents du quartier Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension. Entretien avec son “bienveillant” réalisateur, Henry Bernadet.

Qu’est-ce qui vous a motivé à poursuivre la démarche amorcée dans votre premier film, À l’ouest de Pluton?

Le plan de départ n’était pas de faire quelque chose de semblable. Quand je suis arrivé à Montréal, j’avais des voisins de toutes les communautés et j’avais envie de les connaître et de faire un film autour d’eux. Puis, il y a une prof de théâtre de l’école Georges-Vanier qui m’a ouvert les portes de sa classe. J'envisageais d'avoir quelques jeunes dans le film, mais ils ont été si fascinants, allumés et drôles, que j’ai eu envie de travailler avec eux.

15 ans séparent À l’ouest de Pluton des Rayons gamma. Quel(s) constat(s) pouvez-vous faire entre ces deux générations d'adolescents?

Je pense que cette période reste toujours la même, peu importe la génération et même peu importe où on se trouve. Après, c’est l’époque qui est complètement différente. Aujourd’hui les jeunes sont toujours sur le téléphone. Pour vrai, pendant les prises, ils étaient tellement sur leurs cellulaires, que je devais leur dire que leur personnage ne faisait pas ça [rire].

Comment s’est déroulé le processus de sélection des jeunes interprètes non-professionnels?

J’ai fait beaucoup d’ateliers de jeu à la caméra. C’est aussi en leur posant toutes sortes de questions sur leurs opinions, leurs intérêts, leur bagage culturel et leurs goûts musicaux… Le temps que j’ai passé avec eux m’a permis de mieux les connaître et ça m’a aussi aidé à sélectionner un groupe de comédiens. Un peu comme lorsqu’on prépare un documentaire, il faut prendre le temps d’établir un lien.

Dans quelle mesure les adolescents ont-ils été impliqués dans l’écriture de leurs rôles, ou même du film?

Premièrement, ils pouvaient dire leurs dialogues comme ils le voulaient. Comme ce sont des jeunes de la diversité, il y a des expressions que je n’aurais pas pu écrire. Ensuite, les arcs principaux étaient définis, mais plus on travaillait en détail, plus ils étaient impliqués. Le but était que le résultat soit le plus réaliste possible. Je voulais aussi que chacun puisse aimer son personnage et intégrer des éléments de son expérience personnelle.

Comment décririez-vous le Henry Bernadet de 16-17 ans?

Wow! [rire]... Si le Henry de 16 ans avait su qu’un jour on lui poserait cette question, il aurait dit : « Ha ouin? Je suis un peu important? ». J’étais quand même timide. Mais j’étais dans un groupe d’impro. J’écrivais des poèmes et des nouvelles. Je me nourrissais de philosophie et j’échangeais sur des découvertes culturelles avec un petit groupe d’amis. La vie sociale n’était pas toujours facile, dans la mesure où ce qu’on pouvait penser de moi était important et j’aurais voulu être dans la gang des “hots”. Je cherchais plein d’affaires, dont ma place.

Quel était votre rapport au cinéma à cet âge. Qu’est-ce qui vous a donné la piqûre?

Je me souviens être allé au Cinéma de Paris à Québec. Ça coûtait 2$. Parce que j’étais certain que ça allait être poche, j’allais voir, pour “rire” du film, Husbands and Wives de Woody Allen. Finalement, ce n’était pas si mauvais que ça [rire]. Je suis sorti de là en me disant : « Ok. Il y a quelque chose qui vient de se passer ». Après est sorti en salle Naked de Mike Leigh, et c’est là que j’ai compris que je voulais faire du cinéma dans la vie. C’est un film extrêmement dur et ça m’a bouleversé. Je ne pense pas que je voudrais le revoir, mais ça m’a inspiré et marqué positivement.

À l’exception de votre dernier film, quelles chroniques adolescentes recommanderiez-vous?

Il y a certainement Sweet Sixteen de Ken Loach. J’ajouterais aussi Fish Tank d’Andrea Arnold et L’Esquive d’Abdellatif Kechiche.

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