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iamge nouvelles
2019-11-01

3 questions à Audrey Diwan

Que ce soit dans vos livres «La Fabrication du mensonge» et «Confessions d’un salaud», ou bien dans ce premier film, Mais vous êtes fous, sur la dépendance, on vous sent fascinée par les thèmes de la dissimulation, du mensonge. Pourquoi? 

 

C’est très juste, en effet. Je crois que je suis fascinée par la figure du menteur. Je trouve qu’il y a une forme de solitude très particulière qui traverse ces personnages. Ils protègent une vérité, se fabriquent une carapace. Comme le dealer qui ne peut pas dire qu’il est dealer ou la fille qui s’invente une histoire pour briller dans l’oeil de l’autre et qui se retrouve prisonnière de cette histoire. 

 

Pour protéger cette vérité, ces personnages se retrouvent finalement complètement isolés de tous, y compris de ceux qu’ils aiment. Le film L’Emploi du temps de Laurent Cantet m’avait beaucoup marquée sur ce point. C’est une thématique qui me bouleverse. Les prisons invisibles me fascinent, et j’ai l’impression que dans la vie on en construit tous, et le moment où l’on est capables d’en sortir est celui qui m’intéresse le plus. 

 

On sent beaucoup d’empathie dans votre façon de filmer, de présenter des personnages nuancés, que vous ne cherchez d’ailleurs jamais à psychanalyser. Comment vouliez-vous présenter ce couple à l’écran?  

 

Je ne voulais pas psychologiser les personnages car j’aime beaucoup la dimension du hors-champ au cinéma. La possibilité et la demande qui est faite au spectateur de faire une partie du chemin seul et de prolonger l’image, de combler les vides avec son propre imaginaire. Si on livre tout, on saccage le mystère. 

 

Je préfère les personnages nuancés au cinéma, et je crois que quand le motif initial vient du réel comme ici, on est facilement guidés vers cette lecture empathique des choses. Ce qui m’a le plus troublée dans ma rencontre avec cette femme, qui s’est livrée à moi comme on ne se livre qu’aux inconnus, c’est qu’elle éprouvait pour cet homme autant d’amour que de colère. Pourtant, elle venait d’apprendre qu’il lui avait menti pendant des années, et on lui avait retiré leurs enfants, mais déjà on sentait chez elle l’incapacité de contrevenir à l’amour qu’elle lui portait, en dépit de tout ce qu’elle traversait. 

 

Comment s’est déroulé le tournage? Quelles consignes de direction aviez-vous données à Pio Marmaï et Céline Sallette? 

 

On a tellement ri ! C’était fou ! Il s’est tout de suite installé de la camaraderie entre les deux. Ce sont deux acteurs de nature extrêmement différente, donc les consignes n’étaient pas les mêmes. Pio sortait du film En Liberté de Salvadori, où on lui demandait la plus grande exubérance. Ici c’était le contraire, il fallait retenir les émotions pour les rendre aussi ténues que possible. Céline Sallette, j’ai écrit le rôle pour elle. Elle a une puissance émotionnelle incroyable. On a tous beaucoup travaillé l’occupation des silences : comment on fait pour que chacun dise une chose, et que nous, spectateurs, on entende l’inverse? C’était un exercice passionnant de trouver les bons regards, les bons gestes.

 

Pour ma part, je crois que la parole répare, et malheureusement, c’est un pansement qu’on a du mal à utiliser. Le problème, c’est qu’une fois le lien de confiance brisé, la parole devient explosive. On voudrait qu’elle soit là pour réparer, mais chaque mot a le pouvoir de détruire l’autre ou de le faire douter davantage. Moi-même, dans ma vie personnelle, j’ai parfois regretté de ne plus trouver les mots.

 

Un film qu’elle considère comme un chef-d’œuvre?

 

Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda. « Il traite de thématiques qui me sont chères : la famille, le secret, l’amour. Il le fait avec beaucoup de nuances. Ce film est au-delà de la subtilité, il se situe à un endroit que peu de gens explorent.»  

 

Texte: Céline Gobert

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