En salle cette semaine, Close du Belge Lukas Dhont a reçu le Grand Prix du festival de Cannes, et il est en nomination comme meilleur film étranger aux César et aux Oscar. Mediafilm a rencontré le cinéaste lors de son passage à Cinemania.
Comme Girl, votre premier film, Close aborde le thème de l’identité sexuelle, de l’ambiguïté des genres. D’où vous est venue l’inspiration pour ce deuxième film?
Le point de départ, c’est moi à 12 ans. J’étais en conflit avec mon corps et les attentes de la société à propos de la masculinité et de la sexualité. J’ai alors fui dans le cinéma pour éviter de me confronter au monde. À 17 ans, j’ai réalisé que le cinéma pouvait m’aider à résoudre ce conflit, dont je ne pouvais pas parler, enfant. Et ainsi, établir un dialogue constructif entre les autres et moi.
Un autre élément déclencheur a été un livre d’une psychologue américaine, qui a rencontré 150 garçons, de 13 ans à 18 ans. À 13 ans, ils parlaient de leurs amis en termes pleins d’amour, de fragilité, de complicité. Cinq ans plus tard, ils avaient beaucoup plus de réserves, évitant les notions de proximité, d’intimité, se gardant d’un vocabulaire émotionnel, souvent lié à la féminité dans notre société.
Bref, j’avais l’intention de faire un film sur la tendresse, sur l’amitié. Le dernier déclic a été la pandémie, qui nous a séparés de nos amis, de nos familles. La fragilité et la force du lien d’amitié sont alors devenues très claires pour moi. On peut avoir le coeur brisé quand on perd un ami.
Dans le rôle principal, le jeune Eden Dambrine est extraordinaire. Comment l’avez-vous choisi?
J’étais dans un train et j’écrivais le scénario de Close en écoutant de la musique. À côté de moi, un garçon expliquait quelque chose à ses amis. Ne pouvant pas entendre ce qu’il disait, j’ai observé ses gestes et ses regards. J’ai tout de suite perçu un monde qui se cachait dans ses yeux. Je le trouvais très nostalgique pour son âge, avec quelque chose d’angélique. Je lui ai alors demandé s’il voulait faire du cinéma et, après avoir lu le scénario, il a accepté. Eden est presque devenu le coauteur de Close. N’ayant plus le langage d’un garçon de 13 ans, je l’ai incité à parler avec ses mots. Je voulais créer quelque chose de vrai. C’était très beau de voir Eden jouer avec ça. Et ça a beaucoup enrichi le film.
Votre cinéma a une parenté évidente avec celui des frères Dardenne, mais vous semblez privilégier l’intime plutôt que la sphère sociale…
Je me considère, en effet, comme un élève des cinéastes belges qui m’ont précédé. Les frères Dardenne, bien sûr, mais aussi Chantal Akerman, m’ont appris tellement sur la mise en scène, l’utilisation du cadre pour montrer un personnage, ou l’enfermer dans l’image. Cela dit, j’ai essayé de trouver ma propre voie, en soignant davantage la lumière, en recherchant la beauté.
Les courses du héros à travers les champs de fleurs sont effectivement magnifiques, visuellement éblouissantes.
Ma mère, qui était professeure et peintre, m’a enseigné à voir les couleurs, à trouver de la beauté partout, même dans la noirceur et dans les ombres. Ça a beaucoup influencé mon style.