Quatre ans après la parution du récit de Vanessa Springora racontant sa relation toxique, à l’adolescence, avec l’écrivain quinquagénaire Gabriel Matzneff, Le consentement fait l’objet d’une adaptation au cinéma par une autre Vanessa.
Souhaitiez-vous demeurer dans les paramètres du livre ou bien inscrire votre film dans le prolongement du combat initié par Vanessa Springora?
Vanessa Filho : J’avais cette conviction qu’un médium tel que le cinéma pouvait permettre à un public encore plus large de connaître cette histoire. Que l'identification à l'image pouvait aussi apporter autre chose. C'est tellement difficile de mettre des mots sur l'emprise. Vanessa Springora le fait remarquablement bien. Mais parfois, les victimes ont beaucoup de mal à mettre des mots sur cette douleur.
Il y a deux forces contraires dans votre personnage : la vulnérabilité et la témérité. Comment appréhende-t-on un personnage qui avance avec une certaine résolution, et qui en même temps s'enfonce?
Kim Higelin : Ce qui était central dans la construction de mon personnage, c'était sa force d'engagement. Vanessa est engagée dans toutes ses fibres et dans l'intégralité de son corps. L'émoi qu'elle ressent pour Gabriel, au tout début du film, la remplit complètement. Elle ne peut plus s'en passer. En effet, le rôle nécessitait de ma part un engagement qui se devait d'être à la même échelle que le personnage.
Il y a quelque chose dans son rapport à Matzneff qui relève de l’addiction, comme une drogue.
VF : Effectivement, Matzneff est dans le film comme une espèce de drogue. Ou un poison, dont elle ne peut pas se passer mais dont elle devra éventuellement s'affranchir. Ou se désintoxiquer, pour rester dans l'analogie.
Pourquoi le personnage contemporain de Vanessa apparaît-il seulement à la fin et non pas au début, comme dans le livre?
VF : Parce que je voulais centrer le film sur l'adolescence, sur cet âge charnière de construction et de déconstruction. Dans son livre, Vanessa Springora raconte une histoire qui s’est déroulée dans le passé. Je voulais éliminer ce recul, pour nous ramener au présent des émotions. Je ne pouvais donc pas commencer par la fin. Je me serais retrouvée dans la même grammaire émotionnelle.
Comment était votre rapport sur le plateau avec Jean-Paul Rouve, qui joue Gabriel Matzneff?
KH : Pour contrebalancer la difficulté des scènes et la dureté émotionnelle, on essayait tous de ressentir un peu de légèreté entre les prises. Nous étions au service d’une histoire tellement plus grande que nous, qu’il s’est créé entre nous une forme d'unité et de solidarité. Mais, une fois que Vanessa disait “coupez”, il nous arrivait de se regarder et d’imaginer la difficulté que ça avait dû être de vivre dans la vraie vie la scène qu’on venait de jouer.
Le consentement prend l’affiche au Québec le 23 février.
Photo : Axia Films