La vie sexuelle d'une femme mariée

26 mars 2024
entrevue

S'inspirant de Belle de jour et des comédies de Billy Wilder et Blake Edwards, Caroline Vignal raconte dans Iris et les hommes les échappées belles d'une femme moderne. Rencontre.

L’infidélité dans le cinéma français est un thème tellement courant que c’est quasiment ce à quoi on le reconnaît. En êtes-vous consciente?

Oui, c’est vrai! Je ne sais que vous dire! (rires). On a cette tradition en France du théâtre de boulevard avec l’amant caché dans le placard. On vient de là. En tout cas, tout ce que je peux vous dire, c’est que je n’ai pas fait à dessein un film so french.

Il y a cependant quelque chose de différent, voire de subversif, dans l’idée de représenter un personnage qui vit l’adultère sans jugement et sans conséquences regrettables.

Avoir des relations sexuelles consenties, ce n'est pas grave. Je trouve ça fou qu’on en soit encore là. [...] Iris est à un moment de sa vie où elle est capable de savoir où est son désir, de l’écouter et de le partager. Le fait que le film soit une comédie, avec une apparence légère et grand public, me permet peut-être de toucher des gens qui ne sont pas du même avis que moi.

En s’inscrivant sur cette application, elle fait une étude de marché et découvre l’abondance…

Oui mais ce n’est pas elle le produit. Le produit, ce sont les hommes.

En allant à leur rencontre, Iris sort aussi de sa zone socialement balisée.

Effectivement. Plus on vieillit, plus on rencontre des gens qui nous ressemblent. Qui viennent du même milieu, ont les mêmes goûts, la même culture. Le monde actuel nous dresse les uns contre les autres. L’application de rencontres permet de sortir de ce truc-là.

Antoinette dans les Cévennes affichait sa parenté avec le cinéma d’Éric Rohmer et tout particulièrement Le rayon vert. Quelles références aviez-vous en réalisant Iris et les hommes?

J’ai été très inspirée par Belle de jour de Buñuel que j’ai beaucoup revu quand j’écrivais le film et dans lequel il y a quelque chose de très lisse, d’un couple qui vit beaucoup dans les apparences. Je me suis demandé: Quel serait aujourd’hui l'équivalent de ça? Dans le film de Buñuel, le mari est une sorte de gendre idéal des années 60 avec la raie sur le côté, un médecin très gentil. Je me suis dit qu’aujourd’hui, c’est un mec en télétravail très cool, qui est tout le temps en train de bosser.

Qu’est-ce que Laure Calamy incarne pour vous? Est-ce que c’est une espèce d’idéal de la féminité ordinaire, une alter égo?

Une alter égo. Même si les deux films que j’ai fait avec elle ne sont pas autobiographiques, au sens strict du terme, il y a beaucoup de moi dans ces deux personnages. En fait, Laure emmène des personnages qui me ressemblent, au départ, vers quelque chose de plus fou. C’est un peu comme si elle et moi mélangées, ça donnait Antoinette et Iris.

Cette complémentarité, comment s’exprime-t-elle sur le plateau?

Elle et moi avons des goûts communs, une sensibilité assez proche… en fait je n’ai pas besoin d’expliquer, elle comprend tout ce que je fais. Je dois cependant veiller à la contenir parce que, par moment, elle décolle comme une fusée. Dans ces cas-là il faut appuyer sur le frein, mais en même temps c’est génial de travailler avec quelqu’un qui possède une fantaisie, une inventivité et une générosité aussi exceptionnelles.

Iris et les hommes prend l’affiche au Québec le 29 mars.

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