
L’Australien Michael Shanks était de passage à Fantasia cette fin de semaine pour présenter Together, son premier long métrage lancé à Sundance en janvier dernier. Dans ce thriller surnaturel aux accents de body horror, le cinéaste explore les affres de la dépendance affective.
À quel moment avez-vous su que vous souhaitiez raconter une histoire d’amour dans un film d’épouvante ?
Je suis avec ma partenaire depuis presque 17 ans. Et dans mon groupe d’amis, les couples sont aussi ensemble depuis l’école secondaire. Ça m’a amené à penser à quel point nos vies sont liées quand on vit la même existence qu’une autre personne. Par exemple, mes traits de personnalité déteignent sur ma conjointe et certains des siens sur moi. C’est un peu comme si l’on devenait une seule et même personne. Et ça, ça devenait une idée intéressante pour un film de body horror.
Lorsqu’on plonge dans le body horror, tout part du corps. De quelle manière désiriez-vous le filmer ?
Il y a plusieurs films de body horror des années 1980. Le body horror y est visqueux, gluant et lubrifié. Je ne voulais pas que le style visuel penche trop vers le kitsch. Je souhaitais plutôt que Together soit aride, fissuré et inconfortable. Parmi mes références, il y avait The Thing. J’ai beaucoup appris du maître David Cronenberg. Comme je tenais aussi à ce que le film soit riche et coloré, je me suis tourné vers Inglourious Basterds.
Dans le film - comme dans body horror - le corps est brutalisé, brisé, mutilé, mais il est aussi désiré. Est-ce que la manière dont il est traité dans Together pourrait également symboliser le changement de vie auquel sont confrontés Tim et Millie ?
Je pense que nous sommes tous prisonniers de nos corps. C’est certainement l’une des raisons qui font du body horror un sous-genre immuable : nos corps vont, à un moment ou à un autre, nous trahir. Ils vont se dégrader au point de nous terrifier. Et d’une perspective conjugale, je pense que le film est à propos de la manière dont l’amour nous transforme. Nous ne sommes plus la même personne pendant ou à la fin de la relation.
Comment avez-vous développé la mythologie derrière la dimension surnaturelle ? Vous donnez quelques indices tout en conservant une part de mystère.
Je voulais éviter le cliché du film d’horreur où, dans le deuxième acte, un personnage se rend dans une bibliothèque et fouille dans les microfiches pour que, dans le dernier acte, on nous explique tout en détail. Nous en montrons suffisamment pour qu’on déchiffre ce qui se déroule. J’ai vu Bring Her Back récemment. J’ai été étonné par les ressemblances entre cet autre film australien et le nôtre. On y trace les contours d’une mythologie sans tout donner au spectateur. Avec une vieille cassette VHS (rires).
Le film parle de dépendance affective. Diriez-vous qu’il s’agit d’une démonstration ou d’une critique d’une telle dynamique conjugale.
Les deux. Certains vont dire que c’est une bonne chose, d’autres que c’en est une mauvaise. Ça parle de deux personnes qui partagent une vie et s’appuient l'une sur l’autre. Et à mesure que les années passent, leur individualité s’estompent. Au début du film, nous rencontrons ces deux personnages alors qu’ils sont dans un état de dissonance, comme dans une comédie sentimentale. En tant que spectateurs, nous souhaitons qu’ils trouvent une forme d’harmonie.
Tout comme l’avait fait A Quiet Place, avec John Krasinski et Emily Blunt, vous avez choisi de travailler avec un véritable couple : Dave Franco et Alison Brie. N’y a-t-il pas un risque qu’on ne voit qu’eux ou est-ce plutôt une occasion d’établir une plus profonde complicité entre Tim et Millie ?
Je pense que ça rajoute un petit côté méta au film, mais au bout du compte, les personnages sont basés sur ma propre expérience et pas la leur. Et tant sur le plateau qu’à l’écran, on sent qu’il y a du bagage entre les deux. Ils se comprennent complètement. Ne serait-ce que d’un point de vue pratique, ils étaient confortables à être émotionnellement et physiquement vulnérables l’un vis-a-vis l’autre. Plusieurs scènes étaient très éprouvantes. Elles auraient été plus difficiles à réaliser avec des acteurs qui ne partagent pas cette intimité.
Le thème de l’amour y est central. Sommes-nous ouverts à parler de grandes émotions comme celle-ci dans le contexte d’un film d’épouvante ?
Oui, le film contient tous les éléments associés à l’horreur [gore, effets-chocs, etc.], mais il comporte aussi de la sensibilité et de la sincérité.
Finalement, vous voulez que les spectateurs passent du bon temps?
À toutes les étapes, je me suis interrogé sur ce que le public pouvait ressentir. Je ne comparerais pas l’expérience que je souhaite créer à une montagne russe, mais le film suit la courbe d’une montée d’adrénaline. Parfois, ça signifie d’effrayer les spectateurs, d’autres fois de les surprendre avec une bonne blague. Là, ce sont les influences de Shaun of the Dead et Barbarian. Voire même certains épisodes d’Halloween des Simpsons.
Crédit photo : Ben King