
Avec Amour apocalypse, son sixième long métrage, à l’affiche ce vendredi, Anne Émond signe un boy meets girl à l’ère de l’écoanxiété.
Quel film a le mieux aidé à préparer Amour apocalypse ?
Le directeur photo Olivier Gossot et moi avons vu, je pense, 75 fois Red Rocket de Sean Baker. Je l’ai vu pour la première fois dans une salle à Paris alors que je connaissais moins Sean Baker. Plein de choses m’ont marquées : la lumière, la pesanteur dans l’air, le soleil, les peaux brûlées, le grain, le zoom. À cette époque, Sean Baker tournait sans argent. Olivier et moi avons travaillé à être brouillons, chaotiques, un style auquel on a réfléchi.
Quel film à propos de l’éco-anxiété vous a marqué ?
On ne parle pas beaucoup de ce sujet au cinéma. Il y a Take Shelter. J’avais capoté quand c’était sorti. Je l’ai revu en préparation du film et finalement, je dirais pas que ça m’a beaucoup influencée. Par contre, il y a de bons moments et Michael Shannon est vraiment bon.
Quelle comédie sentimentale aurait pu servir de point de référence à votre démarche ?
Je suis obligée de dire Punch Drunk Love. Je l’ai vu quand j’avais 20 ans. Les films qu’on voit durant cette période nous marquent énormément, puis nous influencent profondément. Ce film en fait partie. Je le revois souvent. Et il y a des moments dans Amour apocalypse où on le sent. Je dirais aussi Eternal Sunshine of the Spotless Mind.
Le personnage de Tina est d’abord présenté uniquement à travers sa voix. Quel film utilisant le même stratagème vous a influencé ?
Tout le monde a été marqué par Her. C’est un film avec de grandes qualités. Mais que se passe-t-il lorsqu’il y a une vraie personne derrière cette voix ? Il y a beaucoup de fantasme masculin dans Her. J’ai voulu jouer avec ça. C’est une voix belle, pétillante, ensoleillée. Quand la femme derrière cette voix arrive, après presque cinquante minutes, elle est aussi pétillante et ensoleillée. Et hop, on découvre qu’elle a deux enfants, elle a presque cinquante ans, elle a un mari avec qui ça ne va pas bien. Elle a elle aussi ses enjeux. Et l’amour, c’est ça idéalement : accepter le bagage de l’autre.
Le personnage d’Adam est propriétaire d’un chenil et entretient un meilleur rapport avec ses chiens qu’avec les humains. Quel film abordant ce rapport avec les animaux vous a particulièrement touché ?
Le règne animal. J’étais rendue assez loin dans le processus d’écriture quand je l’ai vu. Mais j’ai trouvé le film très intéressant. Après, est-ce que c’est un grand film ? Pour l’instant, ce n’est pas cette question que je me pose. En France, ça a vraiment marché. Ça nous fait réaliser que lorsqu’on fait des films parlant de l’humain, de la nature et de notre rapport à la planète, les gens sont prêts à aller les voir.
Pour réciter les quelques apartés méditatifs dans le film, vous avez fait appel à votre preneur de son Stephen de Oliveira. Quelle voix-off apaisante ou réconfortante vous a plû au cinéma ?
Je n’ai pas le choix de choisir Trainspotting, film qui a été tellement important pour moi. «Choose life. Choose a job. Choose a career. Choose a family. Choose a fucking big television…». Pas tout à fait apaisant, mais délectable ! Plus récemment, la voix-off de Julie (en douze chapitres) de Joachim Trier. Elle est drôle et lucide.
Quel film recommanderiez-vous à Adam ?
Je viens juste de voir pour la première fois Sexy Beast de Jonathan Glazer. J’ai envie de le lui recommander parce qu’il ne va penser à rien d’autre en le regardant. Moi, quand je l’ai regardé, je me suis dit que ce cinéaste s’amusait terriblement. Sexy Beast fait partie d’une sélection de films sur The Criterion Channel où on y voit certaines des piscines les plus marquantes du cinéma.