Argyle est considéré comme le premier flop de 2024. Le film d’espionnage de Matthew Vaughn est loin d’être le dernier - et encore moins le premier - à connaître cette destinée.
Le topo est toujours le même : un projet onéreux se mijote à Hollywood; de grandes vedettes sont annoncées; les ambitions s’amplifient jusqu’à la démesure; le tournage prend de l’ampleur; les chicanes internes et séances de réécriture se multiplient; les coûts explosent. Pendant ce temps, les médias colportent et salivent: le désastre inévitable est annoncé, l’échec commercial n’est plus qu’une formalité.
Même s’il existe quelques exceptions (Titanic, Avatar), ces productions d’envergure ne font que nourrir l’illusion de l’abondance financière comme gage de succès, comme ce fut le cas de ces quelques catastrophes budgétaires et artistiques marquantes.
Cleopatra (1963)
Production la plus coûteuse de l’époque avec un budget évalué à 32 millions $ (l’équivalent de 350 millions $ en 2024), le film de Joseph L. Mankiewicz a nécessité l’intervention de multiples producteurs et réalisateurs. Il a également été le théâtre des ébats extraconjugaux du couple formé de Richard Burton et Elizabeth Taylor. Cette dernière a d’ailleurs failli mourir d’une pneumonie durant la production. Dantesque et rocambolesque, le tournage s’est échelonné sur deux ans. Et bien que le public fut au rendez-vous en salle, les coûts de distribution et de marketing ont fait frôler la faillite aux studios 20th Century Fox.
Heaven’s Gate (1980)
Responsable en partie du naufrage financier de United Artists, cet ambitieux western réalisé par Michael Cimino (The Deer Hunter) a coûté 44 millions $ et n’en a rapporté que 4. Le tournage a connu de nombreux revers. Des rumeurs de toxicité et de cruauté animale sur le plateau ont filtré durant le tournage. S’inspirant de la guerre du comté de Johnson, qui s’est déroulée de 1889 à 1893, le film dans lequel brillent Kris Kristofferson, Isabelle Huppert et Christopher Walken, reste encore aujourd’hui ardemment défendu par les critiques et les cinéphiles, dont Martin Scorsese.
Cutthroat Island (1995)
Réalisé par Renny Harlin (Die Hard 2) et mettant en vedette sa conjointe du moment Geena Davis, dans le rôle d’une femme-pirate, ce film d’aventures se déroulant au 17e siècle dans les Caraïbes a rencontré de nombreuses embrouilles durant sa production, dont le remplacement de certains membres du casting, des réécritures de scénario et des renvois de techniciens. Le résultat est un échec critique et commercial. Les pertes estimées à plus de 100 millions $ ont mené à la fermeture du studio Carolco Pictures en plus d’inscrire le long métrage comme le plus grand flop cinématographique dans le Guinness World Records.
Battlefield Earth : A Saga of the Year 3000 (2000)
Tourné au Québec en 1998, ce film de science-fiction tiré du livre du fondateur de l’Église de Scientologie, s’annonçait comme un cataclysme dès les premières tentatives de sa vedette John Travolta (lui-même scientologue) à le mettre en branle. Production étrangère la plus onéreuse à venir s’établir au Canada, Battlefield Earth a récolté à peine 30 millions $ au box-office alors que ses dépenses totales s'élevaient à 73 millions $. Cela a mené en 2007 à la faillite de Franchise Pictures qui avait frauduleusement surestimé le budget du film de 31 millions $.
Southland Tales (2006)
Après le prometteur Donnie Darko, Richard Kelly présente à Cannes son second long métrage, qui devait marquer sa consécration comme nouvel auteur à Hollywood. Mais le ratage est complet. Les critiques reprochent la trop longue durée du film et son récit confus et chaotique. L'œuvre, qui a coûté 17 millions $, est présentée en salle un an plus tard, dans un montage écourté. Elle récolte au box-office … 375 000 $. Depuis The Box, réalisé en 2009, le scénariste et réalisateur n’a concrétisé aucun autre projet.
Catwoman (2004) et Cats (2019)
Le recours aux effets numériques félins pour le grand écran n’a décidément pas la cote auprès du public - ni de nos collaborateurs. Échec critique, mais aussi commercial (des recettes élevées à 82 millions $ pour un budget de 100 millions $), le premier a mis un terme à la carrière de Pitof. Quant au second, il a englouti des pertes de 71 millions $. Son réalisateur, Tom Hooper, est au purgatoire depuis 2019.
Nouvelle-France (2004)
Qu’en est-il du cinéma fait chez nous ? Avec 33 millions $, le plus gros budget de l’histoire du cinéma québécois, Nouvelle-France n’a engrangé que la décevante somme de deux millions $ en salle. Cette épopée romantique et historique, coproduite avec le Royaume-Uni et la France, réunissait quelques vedettes internationales (Gérard Depardieu, Tim Roth, Irène Jacob) et Céline Dion, interprétant la chanson-thème. L’accueil critique fut cependant imperturbable et, deux décennies après sa sortie, il semble que cette adaptation libre de la légende de La Corriveau ait bel et bien sombré dans l’oubli.
Photo : Geena Davis, Matthew Modine et le réalisateur Renny Harlin sur le tournage de Cutthroat Island.
