Revolutions Intimes 7 Questions Au Realisateur De Mexico 86

Révolutions intimes : 7 questions au réalisateur de Mexico 86

23 août 2025
entrevue

Dans Mexico 86, à l’affiche le 29 août, César Diaz trace le portrait d’une militante guatémaltèque, déchirée entre ses luttes politiques et son rôle de mère.

Même s’il se déroule au Mexique et qu’il s’intitule Mexico 86, votre film parle du Guatemala.

Oui. J’ai le souvenir très précis de la Coupe du monde de cette époque. Les yeux du monde étaient rivés sur Maradonna et «La main de Dieu» alors qu’à 1700 kilomètres de là, il se passait plein d’atrocités. Personne ne s’y intéressait. Les journalistes et le public étaient là, même au Mexique, alors que ce sont deux pays voisins. Pour moi, c’est hyper blessant et incompréhensible.

La guerre civile au Guatemala - et ses séquelles - hante vos deux films. Pourquoi?

C’est une guerre qui n’a pas été soignée du tout. Il y a eu des disparus, des morts, des blessures. Il n’y a pas eu non plus de conséquences judiciaires et ses répercussions sont encore vives : Guatemala City est une ville très violente, avec un taux de criminalité très élevé. Je pense que [mon besoin d’en parler] découle de ce sentiment d’impunité dans une société qui n’arrive pas à régler ses conflits par le dialogue.

Après Nuestras Madres, vous explorez cette fois-ci le film d’espionnage. Qu’est-ce qui a mené à ce changement de registre ?

Dès que l’on fait un film comme Nuestras Madres, on nous colle tout de suite une étiquette qui dit : «film d’auteur avec des non professionnels». Je désirais sortir de ce cadre et me prouver à moi-même que j’étais capable de faire autre chose. Le thriller politique m’a accompagné très longtemps. Le cinéma américain des années 70 et 80 est une source d’inspiration. Running on Empty, The French Connection et Bullitt ont été des références durant le processus.

En quoi ces films ont-ils guidé les choix visuels du film ?

Les grands défis esthétiques étaient de créer une sorte de hors-champ dangereux, qui puisse créer de la tension à l’intérieur de la scène. J’ai voulu jouer avec le clair-obscur : on ne voit pas tout. La notion d’ombre devient une métaphore de ces personnages qu’on ne connaît pas complètement puisqu’ils sont obligés de vivre clandestinement. Puis, il y avait la volonté d’être collé à Maria. Mon pari était de faire en sorte que tout ce qu’on ne voit pas devienne menaçant.

Le film est dédié à votre mère. Mais le personnage de Maria n’est qu'en partie inspiré par elle.

L’autofiction ne m’intéresse pas. Elle nous rend tributaire des événements qui se sont véritablement passés, et dès que l’on sort de ce cadre, on a l’impression de trahir l’histoire, ou de se trahir soi-même. Cette Maria n’est pas ma mère. Maria est une mère parmi d’autres mères. Et le petit Marco n’est pas moi, c’est un garçon parmi tant d’autres qui ont vécu la même histoire.

Pour interpréter Maria, vous avez choisi Bérénice Bejo, une actrice franco-argentine que l’on voit rarement jouer en espagnol.

Je l’ai découverte dans Le passé d'Asghar Farhadi. Elle m’a bouleversé. J’ai suivi sa carrière. Puis, je l’ai vu dans un film de Pablo Trapero qui s’appelle La quietud. Je ne savais pas du tout qu’elle parlait espagnol et qu’elle était née en Argentine. Et comme j’ai besoin d’avoir quelqu’un en tête quand j’écris, j’ai beaucoup pensé à elle. Quand le projet a pris forme, on est allé la voir, sans beaucoup d’espoir. Et à ma grande surprise, ça s’est fait très facilement, très naturellement.

Il y a un parallèle à établir entre Maria et vous : c’est une femme qui doit s’exiler pour continuer à exercer son activisme, et vous êtes un cinéaste qui dénoncez les injustices de votre pays d’origine en travaillant vous-même à l’étranger.

Je n’y avais pas pensé. Quelque chose nous unit : la guerre civile guatémaltèque est une guerre oubliée. 250 000 morts et 45 000 disparus, ce n’est pas rien. Personne ne sait. Quand on est face à des atrocités et qu’on ne fait rien, on devient des complices silencieux. L’histoire, tôt ou tard, nous ramène au fait qu’on était là, qu’on était au courant, et qu’on n’a rien fait. C’est pour ça que je continue à parler de ces sujets. En tant qu'humain, on ne peut pas rester insensible ni immobile.

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