
Alger, à l’affiche le 18 avril, raconte la course contre la montre d’un chef inspecteur et d’une psychiatre contraints de faire équipe afin de retrouver une fillette enlevée dans les rues de la capitale algérienne.
Quel film vous a donné le goût de faire du cinéma ?
Je regardais beaucoup de films quand j’étais jeune. L’un de ceux qui ne me quittera jamais est Yojimbo, le garde du corps d’Akira Kurosawa. C’est une histoire universelle. Même s’il s’agit d’un samouraï dans un village, c’est une tragédie shakespearienne. [...] Après réflexion, je trouvais que c’était ça mon cinéma : aller dans l’universalité, toucher le spectateur, le surprendre le plus possible, et avoir plusieurs questions qui sont soulevées à la fin du film.
De quel.le cinéaste admirez-vous le plus la démarche ?
J’aime beaucoup Paul Thomas Anderson. On ne l’attend jamais au même endroit deux fois. Il peut passer de Boogie Nights à Punch Drunk Love. Après, celui qui se renouvelle constamment, c’est Martin Scorsese. Ce sont des icônes, mais en réalité c’est courageux et ça représente une vraie démarche artistique d’opérer ces différents virages. Je pense qu’un artiste doit se mettre en danger. Je citerais également trois Canadiens que j’adore : Jean-Marc Vallée, Xavier Dolan et Denis Villeneuve.
Quel film a le plus aidé à préparer Alger ?
Je dirais Entre le ciel et l’enfer de Kurosawa. Ça porte sur l’enlèvement d’un enfant de notable. J’ajouterais aussi Une séparation d’Asghar Farhadi. Mais j’admet que je n’aime pas regarder de films quand j’écris. Et encore moins durant la préparation et le montage. Sinon, c’est très facile de copier. Il faut laisser aller la créativité avec les données qu’on a accumulées et qu’on a assimilées.
Quel thriller vous a influencé ?
J’avais aussi partagé avec mes collaborateurs Memories of Murder de Bong Joon-ho. [...] J’ai toujours été fasciné par le cinéma corréen et le cinéma japonais. Je pense qu’on a transcendé le cinéma de genre. On peut très bien avoir un vrai fond d’auteur, tout en utilisant des codes cinématographiques. Je crois que c’est la manière de filmer et de mettre en scène qui permet de raconter au mieux l’histoire. Le thriller est un style très rare en Algérie. Avec Alger , je voulais tenir en haleine le spectateur pendant les 48 heures durant lesquelles le récit se déroule.
Si vous aviez à choisir un personnage de policier au cinéma, lequel ce serait ?
J’ai en tête Al Pacino dans Heat. Il paraît qu’à l’origine le personnage était cocaïnomane. Michael Mann a filmé Pacino qui prend de la coke et les a coupés au montage. Mais on le sent encore. Et j’adore ça. On donne beaucoup d’éléments au comédien et après, au montage, on va à l’essentiel, on taille. On a fait un peu la même chose dans Alger. On avait beaucoup de répliques. J’en ai retiré, car Nabil était déjà habité par la bonne émotion. Comme son jeu était puissant, je voulais le moins de dialogues possible. Il faut que le langage cinématographique parle, que ce soit la musique, le son, l’image, une profondeur, un objet, etc. Pour arriver à ça, il faut gommer le plus les mots.
Si vous aviez à retenir un film qui met en scène la ville d’Alger, lequel choisiriez-vous ?
La bataille d’Alger. Alger n’a pas tant changé. Il y a certains plans où on retrouve les mêmes quartiers où on a tourné. Ils n'ont pas bougé. Il y a aussi Omar Gatlato, le premier long métrage de Merzak Allouache.
Si vous aviez le pouvoir de convoquer quelqu’un, mort ou vivant, pour tourner un film, de qui s’agirait-il ?
J’aurais adoré être sur un plateau de Tarkovski. Son travail nous parle beaucoup, parce qu’en Algérie on ne dispose pas de budgets faramineux ni de temps fou pour tourner. Donc notre cinéma est quasiment artisanal. Je trouvais que le cinéma de Tarkovski, à une certaine période, ressemblait à ça. D’autant plus que le rapport au socialisme dans nos deux pays d’origine se rejoignent.
Crédit photo : Christophe Meireis