Entrevue cinéphile : 7 questions à François Delisle

15 avril 2025
entrevue

Dans Le temps, son huitième long métrage à l’affiche ce vendredi, François Delisle «signe une fascinante dystopie minimaliste», écrit notre rédacteur en chef Martin Bilodeau. Raconté au moyen d’images fixes et de voix off, son récit en quatre temps allie radicalité formelle et solastalgie.

Quel film a le mieux servi à préparer celui-ci ?

La jetée et mon court métrage documentaire photographique CHSLD sont comme deux phares dans la nuit. J’utilisais ces deux films pour illustrer à quoi ressemblerait Le temps. Mais le fait que ce soit de la photo implique que je me suis beaucoup inspiré du travail de photographes. J’ai aussi beaucoup lu. C’est un film qui se promène entre plusieurs arts : la littérature pour les voix, la photographie et le cinéma pour les images.

Quel film d’anticipation vous a le plus marqué ?

1984 de Michael Radford. Le film était un peu construit comme La jetée. C’est un monde du futur conçu sans trop d’effets spéciaux. Je l’avais vu à sa sortie alors que j’étais étudiant. Ça m’avait assez marqué. Il y a aussi les films de Tarkovski, comme Stalker. Même certains films de Bergman sont des récits d’anticipation.

Quel personnage ou film éco-anxieux vous a inspiré ?

Il n’y en a pas tant que ça. Je pense que sur la problématique de l’éco-anxiété, Le temps reste quand même pas mal unique. Certains documentaires se sont penchés sur le sujet, mais du côté de la fiction, c’est rare. Quand on tombe dans l’anxiété du futur, ça devient très politique avec des systèmes totalitaires où la technologie prend beaucoup de place. Sinon, c’est souvent du spectaculaire à la The Day After Tomorrow.

Quel film choral a laissé une empreinte indéniable dans votre esprit ?

C’est assez facile de parler de Robert Altman ou de Paul Thomas Anderson. Étrangement, j’ai revu Les ordres de Michel Brault pendant l’écriture. Je voulais voir comment ces histoires se conjuguaient ensemble. Il n’avait pas la prétention de faire un film choral. Pourtant, toutes les histoires mènent vers la prison.

Quel est votre arrêt sur image préféré ?

Je ne peux pas dire autrement que la fin des 400 coups de François Truffaut. Le regard caméra, c’est quelque chose que j’aime vraiment beaucoup. Comme les mains, ça parle beaucoup et ça désacralise le cinéma. Ça nous renvoie à nous comme spectateurs, face à l’histoire qu’on vient de regarder. Ce n’est donc pas pour rien qu’il y a cette ultime image du garçon qui regarde la caméra à la fin de mon film.

À quel film vous associe-t-on le plus souvent ?

Je dirais Le météore et Chorus. Peut-être un peu plus Le météore. Faire des films, c’est arriver au bon moment à la bonne place. Le météore est arrivé sans trop savoir ce que ça allait donner. Pour ceux qui sont un peu plus vieux, il y a Le bonheur c’est une chanson triste. Quand on arrive avec un film, on existe le moment où le film est à l’affiche ou est disponible. Après, ça s’éteint. C’est à refaire.

Quelle œuvre ou quel cinéaste mériterait de survivre à une apocalypse ?

Quand on est conscient de la crise écologique, on s’aperçoit que le cinéma est un art né de l’industrialisation. Aujourd’hui, c’est confrontant de faire des films. J’ai un rapport très conflictuel avec le cinéma. L’énergie que ça prend et le gaspillage que ça crée pour faire un film sont énormes. Je me dis que le cinéma pourrait mourir avec son époque. Il restera toujours des histoires à raconter, des images et des représentations de nous-mêmes. Mais peut-être qu’elles se présenteront d’une autre façon.

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