À l’occasion de la sortie de Frontières de Guy Édoin, nous avons rencontré le réalisateur et la comédienne Pascale Bussières. Discussion à bâtons rompus.
C’est votre 3e film ensemble. Qu’avez-vous appris l’un de l’autre, douze ans après Marécages, votre première collaboration?
Guy Édoin Difficile à dire… Il y a quelque chose de l’ordre de l’indicible dans la relation entre un réalisateur et une actrice. Je savais que ce film-là serait une plongée dans la psyché humaine et que je voulais le faire avec Pascale.
Pascale Bussières On se parle de moins en moins! On se regarde… Dans ce thriller, il y a un point de rupture – qu’on ne peut pas révéler – et il fallait bien placer le niveau d’émotion du personnage par rapport à cette cassure. Pour moduler mon jeu, Guy me donnait des chiffres de 1 à 10. Il me disait « Là, t’es à 8… Là, t’es à 4… ». Et ça me suffisait. Sans qu’il ait à en dire plus.
GÉ J’ai de la misère à parler de la direction d’acteur. En fait, je ne sais pas trop ce que c’est… Je carbure à la vérité, à l’authenticité, à la justesse.
PB Et quand ça ne l’est pas, tu le sais très rapidement, peut-être plus vite qu’il y a 12 ans. Guy a gagné beaucoup d’expérience de tournage avec les séries télé et les films qu’il a réalisés. Et puis, tout le monde était très heureux d’être sur le plateau. Tu le sens quand c’est un projet chéri. C’était très fédérateur.
Frontières est un thriller mais il a aussi quelque chose d’un western à la John Ford…
PB C’est vrai que les films de Guy ont un côté épique à la John Ford…
GÉ Le western n’est jamais très loin dans mes films. C’est important pour moi d’embrasser notre américanité. Et de détourner les codes d’un genre, que ce soit le thriller ou le western, de les déboulonner, pour avoir des histoires et des personnages moins attendus.
Dans le western traditionnel, les rôles principaux auraient été tenus par des hommes…
GÉ Pour Frontières, c’était clair dès le départ qu’il s’agissait d’une sororité. Avec une fraternité, ça aurait donné un film qu’on a vu mille fois. Ce que je trouvais intéressant, c’était d’écrire des personnages de femmes forts, et qui ont des attributs traditionnellement masculins. Ce sont des filles qui prennent leur destin en main. À la limite, les hommes sont des faire-valoir.
PB Je n’ai pas abordé mon rôle comme celui d’une femme qui a les attributs d’un homme. Je ne fais pas la distinction entre les genres. Ces femmes-là, qui sont des moteurs d’action et assument pleinement leur vie, existent dans notre monde. J’en ai plein autour de moi. Et on ne porte peut-être pas assez de lumière sur elles... Le film est aussi un hommage à la sororité et à la solidarité familiale, des thèmes qu’on ne voit pas très souvent au cinéma sous cet angle.