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2022-02-14 Céline Gobert

Berlinale 2022 : Denis Côté explore le désir féminin

« Pourquoi est-il si difficile de nommer un film québécois des 25 dernières années qui aborde frontalement la question du sexe ? », s’est demandé Denis Côté. Cette interrogation fut l’étincelle de son nouveau film, Un été comme ça, qui s’intéresse à trois femmes « hypersexuelles » lors d'un séjour encadré par une thérapeute allemande et un travailleur social, dans une maison tranquille, au bord d’un lac.

Évidemment, qu’un réalisateur blanc et hétérosexuel se lance dans une exploration du désir féminin sans pudibonderie ni tabou à l’époque du mouvement Me Too et de la remise en question du male gaze posait quelques défis. Mais le réalisateur Denis Côté a tout fait pour les éviter, comme il l’a expliqué à la Berlinale ce lundi.

« Il y avait des pièges, alors j’ai avancé de façon, j’espère, responsable, délicatement. J’aime ces femmes-là, et on n’écrit pas un tel scénario avec des certitudes ou des messages. Il faut avoir une certaine vanité pour visiter le désir féminin, mais aussi beaucoup d’humilité. »

Côté, sélectionné pour la quatrième fois en compétition officielle, s’est entouré majoritairement de femmes. Il a changé son monteur pour une monteuse, a embauché une sexologue pour le conseiller et, en tout temps, les actrices avaient accès au scénario.

« Je ne voulais pas de l’opinion des hommes ou d’un regard masculin car j’étais pris avec le mien. D’ailleurs, pourquoi, nous, les hommes, on prendrait autant de place pour parler de ce film-là ? »

Anti-porno

Donc pas question pour le cinéaste québécois, présent pour la 7e fois à la Berlinale, de faire partie de ces « vieux mecs » qui « veulent filmer la vie sexuelle qu’ils n’ont pas dans la vraie vie », dit-il.

« Je n’ai pas besoin de filmer de la pornographie, on est à deux clics [d’en voir], et je ne vois pas pourquoi j’utiliserais ma place de réalisateur pour déshabiller les femmes. Je sais comment déshabiller une femme, croyez-moi! »

L’actrice Larissa Corriveau, qui en est à sa troisième collaboration avec Denis Côté, après Répertoire des villes disparues et Hygiène sociale, a même qualifié le film « d’anti-porno ».

« On vit dans une société où il y a une dictature de l’exposition de notre intimité sur une base quotidienne, dit-elle, et le film est un pied-de-nez à cette réalité-là. Si le scénario veut d’abord nous faire croire qu’on va avoir accès à ces femmes, finalement, on se rend compte qu’on n’aura jamais accès au fin fond d’elles-mêmes. »

Denis Côté n’a de toute façon pas voulu faire un film où il “comprend” les femmes.

« Ce n’est pas à propos de compréhension, dit-il, mais de vibration. J’ai presque envie de vous dire que je ne sais pas de quoi je parle, je n’en ai pas le droit, je suis simplement là pour créer des ponts. »

Célébrer la sexualité

Un été comme ça se veut donc une « célébration de toutes nos sexualités », explique le cinéaste québécois. Il ne s’agit pas de « sexe triste », dit-il, ni de « sexe malade ».

« Et c'est merveilleux ! D’ailleurs, les thérapeutes du film ont autant de problèmes que les patientes, ajoute-t-il. Chacun doit se battre avec sa propre intimité. Mais on vit dans une société qui semble dire : “Elles ont des problèmes, on va les régler”. Si vous pensez “Oh les pauvres femmes”, c’est à vous que ça appartient. On a construit le film comme ça, en jeux de miroirs ».

Pour Côté, aucune scène n’est choquante, et aucune lecture du film qui impliquerait du jugement ou une leçon de morale ne saurait être satisfaisante.

« Nymphomanie, c’est un mot qui ne veut rien dire, c’est un synonyme de misogynie à travers les âges. Ce sont des hommes qui ne savent pas entrer dans la tête des femmes pour comprendre leurs désirs. »


Photo et propos recueillis par Céline Gobert le 14 février, à Berlin.

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