
En collaboration avec les Sommets du cinéma d’animation, Mediafilm a soumis 14 films d’animation au ballotage. Résultat : 7 titres ont vu leur cote bonifiée, tandis qu’un autre, encore jamais analysé, a obtenu la cote de (3) - Très bon.
Comment décririez-vous votre rapport à Mediafilm ?
Adolescent, j’avais découvert le système des cotes dans le TV Hebdo que mes parents achetaient chaque semaine. Si des films à venir avaient la cote (1) - Chef-d’oeuvre ou (2) - Remarquable, je savais qu’il était important que je les regarde : les Dreyer, Chaplin, Renoir, etc. Les cotes de ce qui était alors l’Office des communications sociales ont ainsi été un outil de développement de ma cinéphilie.
En quoi cet exercice de mise au ballotage vous semblait-il nécessaire ?
Mon intention en participant à cette mise en ballotage était que l’animation soit considérée comme les autres films. En effectuant une recherche par cote sur le site de Mediafilm, j’avais remarqué que seulement deux films d’animation avaient obtenu la cote (1), le plus ancien datant de 1993. Comme mon travail est aussi celui d’un historien, je trouvais certaines évaluations problématiques, car elles contredisent les consensus critiques, cinéphiliques et académiques qui se sont construits autour de ces œuvres. J’ai donc fait part de cette réflexion à Martin Bilodeau, qui a proposé la mise en ballotage.
Comment les 14 films ont-ils été sélectionnés ? Qu’est-ce qui les distingue ?
Il était important de représenter une diversité de pays, de genres, de techniques et de périodes, en commençant par Les Aventures du prince Ahmed (1926), le plus ancien long métrage d’animation encore existant, jusqu’aux années 1990. Nous avons aussi choisi des artistes qui nous semblaient avoir été moins choyés que d’autres. Autre critère : les films devaient être accessibles.
Quels films de cette sélection ont été sous-estimés à leur sortie ?
Les cotes de (3) - Très bon attribuées à Les aventures du prince Ahmed et à Snow White and the Seven Dwarfs m’apparaissaient injustes, car ce sont des œuvres fondatrices, ayant d’ailleurs en commun des innovations techniques majeures : tournage sur banc-titre multiplan, introduction de la couleur, etc. Les 14 longs métrages ont été choisis parce qu’ils me semblaient soit sous-estimés, soit qu’ils méritaient à tout le moins une réflexion.
Y a-t-il des titres dont la réévaluation vous semble particulièrement significative ou symbolique ?
Que Les aventures du prince Ahmed et à Snow White passent de (3) à (1), c’est formidable, d’autant plus que ce saut de deux points ne se produit pas si souvent. Akira, sorti à une époque où l’animation japonaise était fréquemment considérée comme une marchandise industrielle de mauvaise qualité, n’est plus qu’un bon film. C’est dorénavant un très bon film, ce qui me semble aller de soi. Par ailleurs, l’analyse des cotes de Mediafilm m’a fait réaliser que les films d’animation cotés (2) - Remarquable deviennent plus courants à partir de l’année 2000 — cela s’explique probablement par le nombre plus abondant de productions qui arrivent sur les écrans et un renouvellement générationnel parmi les collaborateurs de Mediafilm. Or, la mise en ballotage a permis d’attribuer la cote (2) à quatre films d’animation supplémentaires datant d’avant l’an 2000.
Éprouvez-vous certaines déceptions par rapport au résultat du ballotage ?
Yellow Submarine, œuvre influente issue du mouvement de la modernité cinématographique des années 1960, aurait pu, à mon humble avis, passer à (2).
Pensez-vous que l’animation souffre encore d’un certain préjugé au sein de la critique ou du grand public ?
Le renouvellement générationnel que j’ai évoqué précédemment a entraîné l’apparition de nouvelles sensibilités autant chez les collaborateurs de Mediafilm qu’au sein de la critique en général. Et cela se répercute dans les habitudes du grand public, même si, dans l’esprit de plusieurs, l’animation reste associée au cinéma pour enfants. Les mentalités ont changé, et c’est la raison pour laquelle cet exercice de mise en ballotage était nécessaire. D’ailleurs, je suis enchanté que le travail d’une femme pionnière, Lotte Reiniger, réalisatrices des Aventures du prince Ahmed, soit enfin reconnu à sa juste valeur.
(Re)découvrez les résultats détaillés du ballotage publiés sur notre site.
Crédit photo : Vivien Gaumand
À l'occasion de la bonification de ces cotes, Les aventures du prince Ahmed sera projeté vendredi soir à 18h à la Cinémathèque québécoise, accompagné au piano par Roman Zavada, dans le cadre des Sommets du cinéma d’animation de Montréal.