Claire Denis a foulé la Potsdamer Platz de la capitale allemande ce samedi afin de présenter Avec amour et acharnement, son premier film à être sélectionné en compétition à la Berlinale. Entourée de ses deux acteurs principaux, Juliette Binoche et Vincent Lindon, la réalisatrice de Beau Travail, de 35 Rhums et d’Un beau soleil intérieur a évoqué un tournage intense, marqué par la pandémie.
À l’image de cette histoire de passion dévorante qui unit et déchire le couple formé par Binoche et Lindon dans le film, le tournage du quinzième long métrage de fiction de Claire Denis fut émotionnellement intense.
« Ça n’a pas été simple, lâche d’emblée Binoche. Personne n’en est sorti indemne. Les scènes nous ont travaillés, elles nous ont bouffés de l’intérieur. Mais on a fait ce film avec courage, avec “acharnement” ».
Le thème principal était « difficile », poursuit-elle. « Quand on tombe par inadvertance amoureux de quelqu’un d’autre, alors qu’on est heureux en couple, un sentiment violent peut parfois venir avec nos retournements intérieurs. »
La solitude de la pandémie
Si dans le film, Claire Denis a naturellement intégré la réalité post-Covid et le port du masque, le choc fut rude lorsqu’il a fallu préparer le film. « La pandémie nous a affectés, nous étions tous séparés les uns des autres. Je suis allée travailler avec Christine [Angot] à Montpellier chez sa mère, mais c’était différent. Je ne dirais pas qu’on dépérissait dans nos maisons, mais il y avait une grande solitude. »
Le film contient d’ailleurs quelques plans captés dans le métro, sur le vif, et sans figurants. « Je me disais : “C’est le présent, c’est le présent”, on le fait comme ça », explique Denis.
Au plus près de l’intimité
Mais si son film est aussi fort, aussi anxiogène, c’est qu’il a été filmé au plus près de la vérité des corps, comme l’explique la cinéaste. « On était dans l’intimité de ces personnages, avec eux, c’est ça le parti pris du film. Ne pas les juger, ne pas regarder à distance ce corps-à-corps, cette sorte d’univers clos. »
Pour Vincent Lindon, il s’agit moins d'une histoire d’amour que d'une histoire de passion. « Il existe une dictature de la peau, de l’odeur, c’est chimique », dit-il.
Pour Binoche, ces « montagnes russes » violentes que traverse son personnage n’ont d’ailleurs absolument rien de « psychologique », il ne faut pas chercher à les intellectualiser, elles sont tout simplement « viscérales ».
« Ça ramène l’instinct animal chez eux », ajoute-t-elle.
Pour la comédienne, l’aventure amoureuse dans un couple n’est de toute façon « pas stable et immobile », mais souvent parsemée de « chocs ».
« Sara et Jean s’aiment, mais quand elle voit revenir quelqu’un de son passé, de leur passé, elle est submergée. L’amour peut se transformer parfois brutalement et douloureusement. »
Photo et propos recueillis par Céline Gobert, le 12 février 2022, à Berlin.
