«Athos est un personnage crépusculaire, habité, tragique et profondément romantique. Ça, au cinéma, c’est toujours payant», reconnaît Vincent Cassel, rencontré par visioconférence en amont de la sortie de Les trois mousquetaires: Milady, second volet du diptyque consacré au premier tome des aventures d’Alexandre Dumas. Mediafilm l’a rencontré.
Étiez-vous trop vieux pour jouer Athos, le fameux personnage qui forme avec Porthos (Pio Marmaï), Aramis (Romain Duris) et D’Artagnan (François Civil) un quatuor de mousquetaires du roi Louis XIII?
En vérité, nous sommes tous trop vieux pour jouer les personnages, et moi plus particulièrement. J'avais 55 ans quand j’ai tourné, le personnage en a à peine 30 dans le roman. Donc, plutôt que de me rajeunir pour être raccord avec les autres acteurs, j’ai préféré aller dans le sens de ce que je suis et de ce que je représente aujourd’hui. Du coup, ça a accentué et enrichi le rapport père-fils qu’Athos entretient avec D’Artagnan. J’ai pris beaucoup de plaisir à l’interpréter dans ce sens là.
Votre personnage est celui qui possède la plus grande fêlure.
En tous cas c’est celui qui a le plus d’expérience. Athos est un vieux loup gris. Il a vécu des guerres. Contrairement aux autres, il porte les cheveux longs, comme s’il s’accrochait à une mode ancienne. C’est un homme qui vit dans le passé en rêvant d’une rédemption qu’il pense ne jamais connaître. Il se trouve que la vie est pleine de surprises et on se rend compte dans ce deuxième épisode qu’il n’est pas au bout de ses surprises.
La nostalgie a-t-elle joué un rôle dans le désir de produire en France un film comme celui-là?
Non, et d’ailleurs on n’a pas fait ce film sur une vision du passé. Plutôt, sur une vision du futur, avec l’envie de renouveler les choses, de moderniser une histoire qui appartient au patrimoine français et qui n’avait pas été adaptée en France depuis 60 ans. D’ailleurs, les moyens techniques déployés pour faire ce film montrent que ce n’est pas du tout un cinéma à l’ancienne, au contraire. C’est un cinéma qui se veut résolument moderne, avec des caméras très immersives, des plans-séquences, etc.
J’apprenais récemment qu’étant enfant, vous avez visité le plateau de tournage de The Three Musketeers, de Richard Lester, dans lequel votre père Jean-Pierre Cassel jouait Louis XIII.
Oui, j’avais six ans à l’époque. Je garde un souvenir très clair des décors, des costumes, de mon père en Louis XIII avec un drôle de truc planté sur la tête. Je me souviens aussi de tous ces acteurs, Géraldine Chaplin, Michael York, Christopher Lee, Charlton Heston, etc. Je me souviens de la démesure de tout ça. Je pense que c’est un des premiers instants où je me suis dit qu’un jour, j’aimerais bien faire ça moi aussi.
Quels parallèles dressez-vous entre l’époque de l’action du film [début du XVIIe siècle] et le monde contemporain?
J’ai été frappé en voyant le premier film par la résonance des thématiques de Dumas avec l'actualité: tensions religieuses, manipulation politique, désinformation, etc. Et puis dans le deuxième, j’ai réalisé à quel point le personnage de Milady est moderne: une femme qui s’extirpe de sa condition par une ascension sociale fulgurante, devient une femme de pouvoir dans un monde résolument masculin. C’est une icône bien de notre temps.
Voyez-vous dans ce genre de production une alternative aux blockbusters de superhéros produits en série par les grands studios?
Comme nous l’a fait comprendre La Fontaine, il ne faut pas essayer de faire le bœuf quand on est une grenouille. Mais je ne crois pas que la motivation de départ soit de faire comme les Américains. Il s’agit plutôt d’inventer en France un cinéma populaire qui se donne les moyens de ses ambitions et ramène les spectateurs en salle pour aller voir autre chose que des films de superhéros.
Cette entrevue de Vincent Cassel a été réalisée par visioconférence en compagnie de Léa Harvey (Le Soleil) et Martin Gignac (Cinoche)