
Lors de la 43e édition des Rendez-vous Québec Cinéma, le réalisateur de Viking a déroulé le fil de ses souvenirs en compagnie de la journaliste Ariane Cipriani.
Apprendre le métier
L’université, j’ai trouvé ça dur. J’arrivais du cégep, en cinéma, et j’avais l’impression de tout recommencer. [...] Ce que j’en retiens, ce sont les rencontres. Avec des gens qui aiment les mêmes affaires que toi. Ça, c’est précieux. Parfois, je pense que c’est plus riche que ce qu’on apprend dans certains cours.
Le choc Léolo
J’ai des souvenirs de programmes doubles au cinéma Rex à Saint-Jérôme, de ciné-parcs et de mes premières cassettes VHS. Je me rappelle avoir regardé Jaws souvent à la télé. Le point tournant, en fait, a été Léolo de Jean-Claude Lauzon. Quand j’ai vu ce film, j’ai compris qu’il y avait quelqu’un derrière la caméra qui avait écrit le scénario, qui me transmettait tout son univers à travers plein de choix. Je me suis rendu compte que ce médium englobait tout ce que j’aimais, c’est-à-dire l’image, le son, la musique, sans être obligé d’être devant la caméra.
L’accident de parcours
La musique, pour moi, c'est un accident de parcours. Je n’ai aucune formation. Quand j'ai rencontré Joël [Vaudreuil], le drummer, je grattais dans ma chambre, j’avais trois tunes, mais les autres n’avaient pas de formation non plus. On [Joël et moi] s'était rencontrés au travail. Moi, je montais, puis il était assistant-monteur à cette époque. Il m'a dit : « viens pratiquer avec moi les samedis. » Puis ça a commencé. Je dois beaucoup à Joël Vaudreuil. J’ai eu longtemps le sentiment d’être un imposteur.
L’expérience
Je pense que j’étais plus rigide au début parce que j’étais plus inquiet. Là, je suis capable de me réajuster le matin même. Je ne veux pas me retrouver dans une situation où j’ai 25 personnes, les bras croisés, qui me regardent et attendent de voir ce que je vais faire. J’aime arriver préparé, avec Sara Mishara, sur les plateaux. On va sur les lieux avant le tournage. On fait notre découpage ensemble. Ça se peut qu'on réajuste, évidemment, mais on a déjà une bonne idée de ce qu'on veut. On ne se parle pas beaucoup pendant le tournage, parce qu’il y a tellement eu de préparation avant.
La multidisciplinarité
Faire tous ces métiers me permet de ne jamais vraiment me tanner d'aucun. C’est une façon de cultiver le plaisir. Travailler sur les projets des autres, ça fait du bien. C'est de la création en jachère.
Le montage
La meilleure leçon de cinéma, c’est de monter le film de quelqu’un d’autre. Tu vois tous les bons coups, les mauvais coups, le découpage, le temps qui est mis sur chaque détail. Je plonge dans des styles qui ne sont pas les miens. J’aime une sorte de collaboration hybride [avec le réalisateur ou la réalisatrice]. Je n’aime pas qu’on me garroche le matériel. Je veux qu'il y ait un dialogue. J'aime avoir de l'espace créatif.
Les 8 ans qui séparent ses deux derniers films
Entre Tu dors Nicole et Viking, je me suis enfargé les pieds dans l’adaptation d’un roman. J'y ai mis 5 ans et écrit 28 versions. J'ai frôlé la déprime. Honnêtement, j'ai failli arrêter de faire ce métier. Après, je ne me sentais vraiment pas très bon. J'avais l’idée de Viking, le début et la fin. Il y avait tellement de possibilités avec ce concept, c'était tellement facile de se perdre. Comme j’avais été fragilisé par l'autre projet, j'ai demandé à mon ami Éric [K. Boulianne] de lire le scénario. À partir du moment où il a embarqué, tout a changé. En six mois, on avait une version 2, alors que je travaillais sur la version 1 depuis cinq ans.
Crédit photo : Claudia Grégoire