L'avis de Mediafilm

Toute la mémoire du cinéma soviétique des années 1970-1980 remonte à la surface de cette fascinante, spartiate et (disons-le) lugubre incursion dans les geôles et la psyché staliniennes par l'Ukrainien Sergei Loznitsa (UNE FEMME DOUCE). Par sa frontalité, son âpreté, son format d'image (4:3) et ses tonalités (rouille et vert-de-gris), voire même son humour sardonique (quasi indétectable par une oreille non exercée), DEUX PROCUREURS est une leçon de cinéma. La rigueur et le sens de la mesure sont générateurs d'une tension qui va crescendo, dans un récit où l'idéal patriotique est corrompu par ceux qui croient le défendre. Bref, ce film admirable chuchote au monde contemporain une leçon qui mérite urgemment d'être entendue, à l'effet que l'autorité d'un despote se mesure à l'obéissance aveugle de ses complices. Avec son nez de boxeur et ses cheveux d'ange, Alexander Kuznetsov, dans le rôle de Kornyev, incarne parfaitement l'opiniâtreté propre à sa fonction et la naïveté de son idéalisme. (Texte rédigé en septembre 2025, dans le cadre du Festival de Toronto)

Martin Bilodeau