L'avis de Mediafilm

Adoubé à Cannes (Prix de la mise en scène et Prix d'interprétation masculine - pour Wagner Moura, parfait en intellectuel traqué), voici sans conteste le premier grand film populaire du Brésilien Kleber Mendonça Filho (AQUARIUS, BACURAU). L'AGENT SECRET est à prendre en effet comme un thriller politique que n'aurait pas renié le Costa-Gavras des débuts. Comme JE SUIS TOUJOURS LÀ, qui l'a précédé dans les salles, le film lève le voile sur le passé trouble d'un Brésil qui semble plus que jamais - si sa production cinématographique est un indice - en quête de réponses sur son long épisode dictatorial. La forme privilégiée est vibrante: la reconstitution d'époque fourmille de détails et les éclairs de fantaisie morbide font sourire comme dans les vieux "films de peur". Clairement, Mendonça Filho est en pleine possession de ses moyens et ça se sent dans chaque plan et dans le rythme soutenu qu'il imprime aux trois chapitres denses qu'il développe sur plus de 150 minutes. L'épilogue un peu surexplicatif (néanmoins émouvant) ennuage légèrement le bilan de ce film autrement ensoleillé par l'interprétation truculente de l'ensemble de sa distribution - avec mention spéciale à Sebastiana de Medeiros, formidable dans le rôle de la vieille logeuse dissidente. (Texte rédigé en septembre 2025, dans le cadre du Festival de Toronto)

Martin Bilodeau