L’AVIS DE MEDIAFILM

Entamé avec WAR DOGS, le virage négocié par l'amuseur grivois Todd Phillips (ROAD TRIP, THE HANGOVER) vers un cinéma plus sérieux se confirme avec ce brillant JOKER. S'appuyant sur une recréation réaliste du New York glauque de l'époque pré-Rudolph Giuliani, sa version de la genèse de l'ennemi juré de Batman s'éloigne considérablement de celle, très comic book, de Tim Burton, avec dans le rôle un Jack Nicholson repêché d'un bac d'acide. Au carrefour de V FOR VENDETTA, TAXI DRIVER et KING OF COMEDY (la présence de Robert De Niro n'est pas fortuite), le récit psychologique et social décrit la lente descente aux enfers d'une âme solitaire et bafouée qui, avant sa renaissance opératique et terrifiante, suscite l'empathie du spectateur. La musique anxiogène de l'Islandaise Hildur Gudnadottir (A HIJACKING, ARRIVAL) et la réalisation atmosphérique de Phillips contribuent du reste à rendre l'expérience plus traumatisante encore. Habité et inspiré comme jamais, Joaquin Phoenix (YOU WERE NEVER REALLY HERE) réinvente de manière extraordinaire la figure iconique du ricaneur sociopathe, auquel il fait exécuter, avec son corps amaigri, de poignantes danses macabres.

Texte : Louis-Paul Rioux